Devenir expert dans un domaine particulier de compétences requiert du temps et un investissement personnel important. Mais alors, au bout de combien de temps peut-on se proclamer expert ? On vous dévoile ici les grandes idées de la célèbre théorie des 10 000 heures.
Les fondements de ce concept
Même si certaines personnalités connues du grand public nous laisseraient presque imaginer que, chez elles, l’expertise est innée, c’est en réalité bien le contraire. En effet, la maîtrise d’une discipline est indéniablement liée à l’effort et au nombre d’heures que vous passerez à la pratiquer.
L’expertise est un domaine qui ne cesse de fasciner les chercheurs et a engendré de nombreuses recherches sur le sujet. Vous avez déjà certainement entendu parler des 10 000 heures de pratique pour être qualifié d’expert dans un domaine précis. Et si ce chiffre vous paraît stupéfiant, c’est en effet le cas puisque 10 000 heures représentent environ 1250 journées de huit heures.
La théorie des 10 000 heures
La théorie des 10 000 heures a été élaborée par K. Anders Ericsson, psychologue suédois fasciné par la nature psychologique de l’expertise et de la performance humaine. Pendant plus de 10 ans, il a étudié des individus pratiquant différents domaines. Peu importe leur spécialité, les conclusions sont unanimes : 10 000 heures en moyenne sont nécessaires pour exceller dans une discipline. Cette théorie a par la suite été reprise par certains spécialistes dont Malcolm Gladwell dans son livre Outliers, The Story of Success. Selon lui, une fois les 10 000 heures de pratique atteintes, le cerveau connaît une sorte de déclic, l’incitant à accélérer ses connexions neuronales et sa capacité de raisonnement.
Les règles à appliquer pour devenir expert
Cependant, pour que les 10 000 heures de pratique soient parfaitement efficaces, certaines règles sont à appliquer.
Tout d’abord, et en toute logique, le principe de répétition domine. Tous les plus grands de ce monde pourront l’affirmer, la répétition figure parmi l’un des éléments indispensables lorsque l’on souhaite devenir expert. La répétition rend le cerveau plus performant, agissant sur celui-ci de façon neurologique. Mais cela ne fait pas tout.
En effet, si vous souhaitez exceller dans un domaine, il va falloir se pencher sur un autre aspect : la pratique délibérée. Robert Greene l’évoque de façon très pertinente dans l’un de ses ouvrages, « Atteindre l’excellence ». Et ce qui se cache derrière ce concept, c’est simplement l’idée selon laquelle ce n’est pas uniquement le nombre d’heures passées à pratiquer qui compte, c’est surtout l’investissement dont on a fait preuve durant cette pratique. On entend par là la concentration nécessaire pour fournir un temps de travail de qualité mais également l’envie de se surpasser, la curiosité de découvrir les notions les plus simples comme les plus complexes.
La passion et le désir
Enfin, et parce que rien n’est possible sans, il vous faudra inviter la passion et le désir dans cette aventure qui vous mènera vers l’excellence absolue. En vous connectant émotionnellement à ce que vous avez choisi d’approfondir en termes de compétences, vous vous surpasserez sans cesse car vous aurez trouvé un sens à ce que vous faites. La passion permet d’alimenter la motivation et ce sont ces deux notions qui faciliteront le chemin de l’expert aguerri.
Pour conclure, acquérir le statut d’expert dans un domaine est un cercle vertueux. Le cerveau va se développer, enrichir ses connexions pour devenir plus rapide, faire des liens, favoriser la créativité, la fluidité et l’inspiration.
Avis des scientifiques sur la règle des 10 000 heures
Dans « Outliers », Gladwell présente plusieurs exemples à l’appui de cette règle, notamment l’étude d’Ericsson sur les étudiants en violon d’une académie de musique berlinoise. L’étude indique que les élèves les plus accomplis avaient accumulé 10 000 heures de pratique à l’âge de 20 ans. Gladwell affirme également que les Beatles et Bill Gates ont chacun consacré 10 000 heures à leur métier avant d’atteindre la célébrité. Toutefois, cette affirmation simplifie à l’extrême le concept. Ericsson souligne que le critère des 10 000 heures est arbitraire. Il s’agit de la durée moyenne de pratique de ces violonistes à l’âge de 20 ans, mais tous n’avaient pas encore atteint ce seuil.
Si la règle des 10 000 heures n’est pas scientifiquement solide, que savons-nous de l’efficacité de la pratique et de la maîtrise ? Nous savons que la qualité de la pratique est plus importante que la quantité, et que les points de départ varient d’un individu à l’autre1.
La qualité avant la quantité dans la règle des 10 000 heures
Prenons l’exemple du tir à l’arc : trois heures d’entraînement autoguidé équivalent-elles à trois heures d’entraînement encadré par un expert ? Il est clair que non. Cela met en évidence une faille dans la règle des 10 000 heures : elle ne tient pas compte de la qualité de l’entraînement. Gladwell ne fait pas de distinction entre les types de pratique, mais cette distinction est vitale. Ericsson préconise la « pratique délibérée », qui implique des activités ciblées, la prise en compte des faiblesses et le dépassement des limites2. L’auteur à succès Daniel Goleman souligne le rôle du retour d’information des experts dans ce processus.
Quelle est la relation entre la pratique et les compétences ?
Des recherches récentes menées par le psychologue Brooke Macnamara révèlent que la pratique délibérée n’explique que 20 à 25 % de la variation des compétences dans des domaines tels que les échecs, la musique et les sports4. D’autres facteurs, tels que l’âge et la génétique, jouent également un rôle important. Des études menées par les psychologues cognitifs Fernand Gobet et Guillermo Campitelli montrent que les joueurs d’échecs débutants atteignent des niveaux de compétence plus élevés à l’âge adulte5.
La génétique influence sans aucun doute l’acquisition des compétences. Des études de jumeaux, comme celles menées par Robert Plomin, démontrent la base génétique d’aptitudes telles que le dessin et la lecture6. Une autre étude n’a trouvé aucune corrélation entre la pratique musicale et les aptitudes musicales de base, ce qui suggère des limites innées aux avantages de la pratique7.
Si l’affirmation de Gladwell selon laquelle l’effort dévoué est essentiel à l’expertise est vraie, les heures de pratique ne garantissent pas à elles seules la maîtrise. Des facteurs tels que la génétique, l’âge de départ et les méthodes d’apprentissage influencent également le parcours vers l’expertise. Par exemple, des recherches sur les maîtres d’échecs révèlent de grandes différences dans les heures de pratique nécessaires pour atteindre des niveaux de compétence similaires8.
Au-delà de la règle des 10 000 heures : Principes clés d’une pratique efficace
Pour une compréhension plus approfondie de la pratique, consultez les articles suivants :
Les émotions ont un impact significatif sur l’apprentissage9. Découvrez la base neurologique de l’apprentissage et pourquoi l’engagement émotionnel est crucial.
La pratique mentale est puissante. Explorez les avantages de la visualisation de la réussite et la science qui la sous-tend10.
La motivation est primordiale. Découvrez comment l’alignement de la pratique sur l’objectif et les valeurs peut soutenir la motivation11.
https://des-livres-pour-changer-de-vie.com/hors-norme/
Références :
Ericsson, K. A., Krampe, R. T. et Tesch-Römer, C. (1993). The role of deliberate practice in the acquisition of expert performance. Psychological Review, 100(3), 363.
Ericsson, K. A. (2006). L’influence de l’expérience et de la pratique délibérée sur le développement d’une performance experte supérieure. The Cambridge handbook of expertise and expert performance, 38, 685-706.
Goleman, D. (2013). Focus : Le moteur caché de l’excellence. HarperCollins.
Macnamara, B. N., Hambrick, D. Z. et Oswald, F. L. (2014). Pratique délibérée et performance dans la musique, les jeux, les sports, l’éducation et les professions : A meta-analysis. Psychological Science, 25(8), 1608-1618.
Gobet, F. et Campitelli, G. (2007). The role of domain-specific practice, handness, and starting age in chess. Developmental Psychology, 43(1), 159.
Plomin, R. et Deary, I. J. (2015). Génétique et différences d’intelligence : cinq résultats particuliers. Molecular Psychiatry, 20(1), 98-108.
Mosing, M. A., Madison, G., Pedersen, N. L., Kuja-Halkola, R. et Ullén, F. (2014). La pratique ne rend pas parfait : pas d’effet causal de la pratique musicale sur la capacité musicale. Psychological Science, 25(9), 1795-1803.
Gobet, F. et Campitelli, G. (2007). The role of domain-specific practice, handness, and starting age in chess. Developmental Psychology, 43(1), 159.
Immordino-Yang, M. H. et Damasio, A. (2007). We feel, therefore we learn : The relevance of affective and social neuroscience to education. Mind, Brain, and Education, 1(1), 3-10.
Driskell, J. E., Copper, C. et Moran, A. (1994). Does mental practice enhance performance ? Journal of Applied Psychology, 79(4), 481.
Deci, E. L. et Ryan, R. M. (2000). The » what » and » why » of goal pursuits : Human needs and the self-determination of behavior. Psychological Inquiry, 11(4), 227-268.
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