Truffe. Ce simple mot issu de plusieurs origines (dont l’ancien provençal et le latin) recouvre des significations particulièrement diverses sans aucun rapport entre elles : les lecteurs d’Achille Talon penseront immédiatement à son appendice nasal, les amoureux des animaux au nez de certains d’entre eux, les énervés aux personnes stupides (« quelle truffe, celui-là ! »), les gourmands aux délicieuses friandises à base de chocolat saupoudrées parfois de poudre de cacao, et les gourmets à un champignon fort apprécié en gastronomie.

La truffe d’hiver… et la truffe d’été !

Car, oui, la truffe, cet ingrédient très prisé et rarement bon marché, ramassé de surcroit le plus souvent à l’aide de chiens, de cochons, voire de mouches, est un champignon ! Quand on évoque celui-ci, on pense avant tout à la truffe noire dite du Périgord, dont le prix varie entre 500 et 1000 € le kilo, et, pour les plus fortunés, à la truffe blanche, dite d’Alba ou du Piémont, qui ne s’échange pas en dessous de 2000 € le kilo, voire bien au-delà ! La récolte de ces symboles du raffinement – Balzac aurait d’ailleurs écrit que « la cravate est à la toilette ce que la truffe est à un dîner » – court plus ou moins d’octobre à mars. C’est pourquoi elles font partie des truffes dites d’hiver.

Est-ce à dire qu’il existe des truffes d’été ? Eh bien, oui !

Parfois dite de Saint-Jean, car elle arrive à maturité fin juin, mais aussi maienco, junenco ou aouestenque en Provence, la truffe d’été se développe entre avril et juin, en fonction des pluies de printemps et fructifie de juin à fin septembre. Présente sous les mêmes essences d’arbres et sur les mêmes types de sols que ceux où poussent ses cousines hivernales, elle affectionne particulièrement les chênes vert ou pubescent (dit blanc), les peupliers, les noisetiers ou les tilleuls, mais également le hêtre, le charme, le frêne ou le pin. C’est pourquoi on la retrouve principalement dans le pourtour méditerranéen, et notamment en France, en Provence Alpes-Côte d’Azur (qui produit 80 % des truffes françaises, toutes variétés confondues), même si la plus grande partie de sa production est espagnole.

Un développement minutieux

Pour se développer, la truffe d’été nécessite un dosage particulier d’eau : ni trop, au risque d’en mourir, ni pas assez, sous peine de sécher et de cesser sa croissance. Cette relative sensibilité aux conditions climatiques conditionne le niveau des récoltes, irrégulier d’une année à l’autre. Néanmoins, comme elle demande beaucoup moins d’attention que la truffe noire, avec un rendement particulièrement élevé les bonnes années, la truffe d’été est nettement plus accessible que cette dernière. Elle n’en reste pas moins un produit d’exception, puisqu’elle s’échange entre 100 et 250 € le kilo.

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. En effet, dédaignée jusqu’à la fin du XXème, pour le plus grand plaisir des sangliers, des insectes ou d’autres animaux sauvages, la truffe d’été servait d’alimentation pour les cochons domestiques ou, au mieux, d’appât pour le dressage des chiens truffiers.

Une saveur légère ou prononcée selon sa maturité

Il faut dire que la truffe d’été n’a pas le physique de ses prestigieuses cousines : si, extérieurement, sa robe se rapproche du diamant noir, elle possède une forme typique, tubéreuse, qui peut rappeler celle des rognons. En outre, sa peau -appelée péridium- est parcellée de nombreuses proéminences très marquées, et sa taille généralement plus grosse que celle de la truffe noire, dépasse rarement celle d’un œuf.

A l’intérieur, sa chair (appelée gleba) tire du beige vers le marron en fin de saison et peut même être brune ou grise. Lorsque la truffe d’été arrive à maturité, les veines ivoires qui la strient sont plus ou moins jaunâtres et semblent se relier entre elles. Les spécialistes estiment que si la gleba est claire ou très blanche, elle n’est pas mûre. Il faut dire que, en prévention des fortes chaleurs estivales, les trufficulteurs préfèrent la récolter tôt, d’autant plus qu’elle affleure à la surface du sol, et risque donc de se dessécher rapidement, et, par voie de fait, de perdre tout son intérêt.

Mais cela n’est pas sans incidence sur son goût. En effet, plus elle est ramassée jeune, plus elle possède une saveur légère. Mûre, elle s’affirme davantage et vous régale d’un parfum plus prononcé. Cependant, si elle dégage une agréable odeur de champignon sauvage, témoin privilégiée de la terre et de l’environnement dans lesquels elle s’est développée, la truffe d’été sent parfois, selon les spécialistes, la rave, la noisette… ou le maïs cuit ! D’un point de vue gustatif, si l’arbre au pied duquel elle a grandi n’a aucune incidence sur la truffe d’été, sa saveur est beaucoup moins intense et longue en bouche que la truffe noire. Cela étant, elle n’en demeure pas moins un met délicat, raffiné et croquant, et dégageant de succulents arômes de noisettes et de champignons.

Un condiment d’exception à un prix abordable

Cette saveur et cette légèreté font d’elle un condiment d’exception dans les plats estivaux. En effet, contrairement à la truffe noire, dont la présence est immédiatement perceptible en cuisine, la truffe d’été se veut plus aérienne. Mais son apport, de préférence crue, et tout simplement râpée, sur un toast à l’apéritif, sur un poisson, un carpaccio de légumes ou tout bonnement dans une salade, permet d’offrir une nouvelle dimension culinaire aux plats qu’elle relève. Distillée dans une omelette ou une brouillade, elle en sublimera le goût avec force, tout comme elle donnera du corps à toutes les sauces de poissons ou de viandes. Pour les passionnés de cuisine, elle peut même être employée pour fabriquer un beurre truffé ou une glace à la délicate saveur de noisette. Et ceux qui manquent de temps pourront l’utiliser pour agrémenter leurs pâtes en version mi-crue, mi-cuite, comme certains le font avec du saumon par exemple.

D’avis de connaisseurs, seuls 10 à 15 grammes par personne de cette incomparable truffe suffiront à relever votre assiette, pour un coût à peine supérieur à 10 € pour six convives ! Pourquoi s’en priver ?

D’ailleurs, la truffe d’été a également pris sa place sur la table des grands chefs. Ainsi, par exemple, les frères Pourcel, multi-étoilés au Guide Michelin et bien connus des téléspectateurs de l’émission Top Chef où ils sont souvent invités, l’ont adoptée pour accompagner une volaille à la crème ou un délicieux poisson blanc, le tout arrosé d’un excellent vin blanc tel que le Pouilly fumé (A consommer avec modération).

En saison, la truffe d’été est accessible sur les étals de certains marchés, et – signe de son intérêt croissant – de nombreuses manifestations sont organisées autour d’elle dans les marchés de Sainte-Alvère, de Sarlat, et même à Sorges, qui sont pourtant des bastions de la culture de la truffe du Périgord.

Comment conserver la truffe d’été ?

En ce qui concerne sa conservation, comme c’est le cas pour la truffe noire ou la truffe blanche d’Alba, la truffe d’été doit être enveloppée dans un papier absorbant à changer tous les deux jours afin qu’elle ne perde pas son arôme, et conservée entre 2 et 5 °C au réfrigérateur dans le fond d’une boîte hermétique ou dans un bocal en verre fermé, afin de ne pas contaminer, par son parfum, les autres aliments proches. Vous pourrez ainsi la garder jusqu’à 15 jours. Si, toutefois, elle présentait des traces de moisissures blanches, un simple petit brossage sous de l’eau froide vous permettra de la consommer. Et, pour ceux qui ne craignent pas une légère perte de son goût, il est également possible de la congeler, entière ou coupée en lamelles.

Quoi qu’il en soit, vous ne l’avez pas encore fait, la truffe d’été se présente comme le nouvel ingrédient qu’il faut goûter, et avec le retour prochain des beaux jours, vous n’aurez pas à patienter longtemps !

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